Introduction :

     Madame Bovary est la troisième œuvre de Gustave Flaubert, écrivain célèbre du XIXème siècle. Paru en 1857, ce roman réaliste présente tout de même quelques aspects romantiques. En effet, l'auteur produit « son réel » par les descriptions minutieuses du détail et de la vraisemblance sur les décors, les personnages et les faits. Mais il est vrai que le romantisme permet l'expression du mal de vivre, des souffrances affectives, et médite sur l'amour, la gloire, la mort, la nature et sur Dieu. Ces deux mouvements composent une grande partie du XIXème siècle : Flaubert, lui, se considère comme étant un réaliste. Son roman dévoile le visage d'une femme, Emma Bovary, rêvant d'émancipation au XIXème siècle, en campagne française. Sa vie rêvée ne voit jamais le jour, et elle fut déçue par toutes ses espérances. Ce personnage féminin fut difficile à concevoir pour le public comme pour l'auteur à sa sortie, mais a tout de même traversé les siècles comme étant une icône. Ces informations préliminaires nous ont amenés à nous poser la question suivante : pourquoi le personnage de Madame Bovary a-t-il autant fasciné au XIXème et après ? De cette question nous en surviennent d'autres auxquels nous répondrons comme : En quoi son siècle de parution, son contexte, est important dans l'image de cette femme ? Comment cette œuvre fut perçue ? Ses diverses questions seront traités dans un plan tel que dans un premier temps nous présenteront le personnage symbolique de cette femme du XIXème siècle, puis nous verrons comment son image s'est reproduite un siècle plus tard sur différents supports comme dans le film de Claude Chabrol et la bande-dessinée de Posy Simmonds. 


Source : http://lewebpedagogique.com/asphodele/files/2010/11/madame_bovary_1990_reference.jpg 


Madame Bovary au bal de Vaubyessard , image du film Madame Bovary de Claude Chabrol (1991) 

1 Le personnage au XIXème siècle de Madame Bovary.


1.1   Un personnage qui se détache du rôle conventionnel de la femme au XIXème siècle.  
   
1.1.1 Présentation du personnage à travers le résumé du roman.



     Le personnage éponyme Madame Bovary est une femme du XIXème. Grâce au sous-titre « Mœurs de province », nous pouvons deviner qu’à travers ce personnage, Gustave Flaubert a voulu peindre le portrait de la France provinciale du milieu du XIXème siècle. Le titre Madame Bovary nous prouve déjà qu'il s'agit d'une femme privée de son identité puisque le nom utilisé n'est pas le sien mais celui de son mari. Emma est en effet une femme qui se détache de plusieurs manières de son époque.

     Le nom de jeune fille de Madame Bovary est Emma Rouault. Elle vit dans une ferme avec son père après avoir passé sa jeunesse dans un couvent. Durant cette période d’enseignement religieux, Emma Bovary se nourrissait de livres romantiques, lui donnant une vision idéaliste de l’amour et de la vie. Elle s’ennuie avec son père dans cette ferme et rêve de rencontrer un homme qui s’occupera d’elle comme elle le mérite. Elle voit donc en Charles Bovary une échappatoire à cette vie monotone. Mais Emma va vite être déçue de son mariage avec cet homme, qui n’est qu’un médecin de village très banal, sans trait de personnalité intéressant. En se mariant avec Charles, elle avait des ambitions et rêvait d’une vie exaltante, or le caractère de son mari est d’un calme lassant, sans surprise ni rebondissement. Peu de temps seulement après avoir emménagé dans la maison de Charles à Tostes, Emma se rend compte que sa vie n’est qu’une répétition de tâches domestiques qu’elle n’apprécie pas effectuer. La jeune femme va passer beaucoup de temps avec sa chienne en récitant des répliques théâtrales afin de s’évader et de s’imaginer une vie idéale. L’invitation des Bovary au bal au château de Vaubyessard est une étape importante du livre et de la vie d’Emma puisque grâce à cet évènement, elle entrevoit ce qu’elle a toujours voulut, c’est-à-dire une vie privilégiée, de luxe. Sortant ses plus beaux vêtements à cette occasion, elle se fond avec aisance au milieu des invités, dansant avec certains d’entre eux et s’émerveillant devant la splendeur de l’endroit. En retournant à Tostes, Emma ressenti beaucoup de mélancolie et ne cessa de se remémorer ce bal où elle s’était senti tellement vivante. Elle n’appréciais plus du tout sa vie dans cette ville, et en tomba malade. Charles proposa à Emma de déménager à Yonville-l’Abbaye alors qu’elle était enceinte et grâce à cela elle espérait que sa vie changerai dans cette petite commune. En effet c’est là-bas qu’elle rencontra Léon, avec qui elle se lia d’amitié rapidement. Elle accoucha d’une petite fille qu’elle et son mari appelèrent Berthe mais ne sera jamais une mère aimante et attentionnée avec elle. Au fur et à mesure que le temps passait, Léon et Emma ressentaient de l’attirance l’un pour l’autre, alors que Charles la répugnait de plus en plus. Léon parti quelques temps après pour aller vivre à Paris, ce qui rendit Emma très triste. Mais après cela, l’arrivée au village d’un certain Rodolphe vint tout changer. Rodolphe Boulanger chercha à atteindre Emma et commença à la charmer. Très vite, ils eurent une liaison qu’ils savaient dangereuse. Mais Emma développa des sentiments amoureux envers Rodolphe au point de lui proposer de s’enfuir avec elle et sa fille, alors que pour lui, Emma n’était qu’une maîtresse de passage. Finalement, Rodolphe parti seul, ce qui rendit Emma malade, l’obligeant à rester au lit pendant plusieurs mois. La situation financière des Bovary était au plus mal alors que Monsieur Lheureux, le commerçant du village, vint réclamer les dettes qu’Emma lui devait pour s’être procuré des choses dans son magasin. Mais cette situation n’empêcha pas Charles d’emmener Emma au théâtre dès lors qu’elle se senti mieux : c’est là-bas qu’elle croisa Léon, avec qui elle resta quelques temps à Rouen. Malheureusement le père de Charles mourut, elle dut rentrer en hâte pour soutenir Charles. Monsieur Lheureux réclamait toujours les dettes d'Emma et cette dernière eut l'idée de se rendre à Rouen afin de demander de l'aide à Léon. Une fois là-bas, elle passa quelques jours avec lui, et vécurent des instants d'amour intense. Son amant accepta finalement de lui venir en aide et ils trouvèrent un moyen de correspondre par lettres pendant quelques temps. Mais Léon ne supporta pas l'éloignement alors il vint rendre visite à Emma ; celle-ci lui promis qu'elle trouverai un stratagème pour pouvoir se rendre à Rouen une fois par semaine. Pour cela, elle reprit la musique et Charles l'envoya prendre des cours de musique tous les jeudis. Alors, au lieu d'aller à ses cours, Emma passait sa journée en compagnie de Léon. Charles s'aperçut que sa femme n'était jamais allée à un seul cours de piano et c’est alors qu’Emma redoubla d'efforts pour mentir à son mari : elle lui cachait les paiements qu'elle devait à Monsieur Lheureux mais également sa relation avec Léon. Un jour, elle ne rentra pas à Yonville et Charles s'en inquiéta, ce qui eu pour effet de mettre en colère Emma qui lui reprocha de ne pas lui laisser assez de liberté. Par conséquent, elle put aller voir Léon quand elle le voulait sans que Charles ne s'en préoccupe. Mais très vite, le cauchemar commença pour Emma qui se fit rattraper par ses dettes, ce qui l'obligea à vendre des objets personnels pour gagner un peu d'argent. Ses efforts ne suffisant pas, elle reçut une lettre l'obligeant à rembourser sous peine qu'on lui retire tous ses biens. Le lendemain, des huissiers vinrent faire la liste des propriétés d'Emma afin de les mettre en vente. Elle se sentait perdue et alla demander de l'aide aux gens qu'elle connaissait, mais personne ne vint à son secours. Son dernier espoir était Rodolphe : elle alla lui rendre visite et lui demanda une grosse somme d'argent. Il ne possédait pas la somme qu'Emma lui réclamait ce qui la rendit encore plus déboussolée. Par désespoir, elle se rendit dans le « capharnaüm » de Justin Homais et prit une poignée d'arsenic qu'elle avala sans hésiter. Ce geste de découragement de la part d’Emma mit fin à ses jours.

1.1.2 Définition du bovarysme.


     De nos jours, on pourrait parler du caractère et de la personnalité d’Emma en employant le mot « bovarysme ». Le bovarysme défini le comportement d’une femme que l’insatisfaction entraîne à des rêveries ambitieuses ayant un rôle compensatoire. Le terme a été inspiré du personnage et non l’inverse. Le bovarysme d’Emma se traduit de plusieurs manières : il débute dès le début par sa relation avec Charles, après son mariage, car Emma est vite déçue de la relation qu’elle entretient avec son mari puisque durant sa vie au couvent, elle se nourrissait de livres romantiques qui faisaient le portrait d’histoires d’amour passionnelles et de personnes menant des vie remplies de luxe. La vie d’Emma et Charles ne ressemble pas du tout à ce qu’Emma a pu lire dans ces livres ; leur vie est monotone et sans intérêt. Emma pensait trouver en Charles une échappatoire à sa vie à la ferme qui l’ennuyait mais se retrouve en vérité à faire des tâches domestiques répétitives et qui ne l’intéresse pas. Elle va donc souvent s’isoler et se réciter des répliques théâtrales afin de s’imaginer une autre vie, de s’évader de la sienne le temps d’un court instant. Ce qui va fortement accentuer le bovarysme d’Emma sera le bal auquel elle va être conviée avec son mari, organisé par les Vaubyessard. Au cours de cet évènement, elle se sent elle-même et se fond parfaitement dans la foule en laissant Charles tout seul. Impressionnée par le lieu de la réception, Emma va connaître la vie qu’elle avait toujours souhaité avoir durant une soirée au milieu de toutes les personnes de la haute société. Le retour à Tostes sera difficile à accepter pour elle ; elle se remémorera chaque jour cette merveilleux moment en espérant qu’elle participera à d’autres réceptions éclatantes au cours de sa vie. De là commence une période où Emma sera de plus en plus écœurée de son mari jusqu’à s'en rendre malade. Son ennui la ronge. En déménageant, elle espère que sa vie changera et que l’ennui qu’elle éprouvait à Tostes disparaîtra. C’est à son arrivée à Yonville-l’Abbaye qu’Emma va compenser cette vie lassante d’une autre manière : elle rencontrera des amants auxquels elle s'attachera beaucoup. Léon  sera le premier homme vers qui elle va être attirée ; c’est un homme cultivé partageant des passions communes avec Emma. Vient ensuite Rodolphe, avec qui elle eu une relation dangereuse mais qui ne l’empêcha pas d’éprouver des sentiments pour lui. Ces relations extraconjugales traduisent le bovarysme d’Emma, qui se sert de ces hommes pour échapper à cette vie avec Charles qui l’étouffe. Emma fait preuve de bovarysme d’une troisième façon qui est celle de l’argent. Elle va partager les économies de Charles et  se mettra à dépenser beaucoup d’argent pour acheter, entre autres, des cadeaux à ses amants. Emma va peu à peu se retrouver endettée et ne pourra pas rembourser ce qu’elle doit au commerçant du village, Monsieur Lheureux. La vie d’Emma n’est donc qu’une succession de quelques moments de bonheurs mais surtout de dépressions et de rêveries inaccessible. L’état d’insatisfaction qui la consume la poussera à mettre fin à ses jours.



     Nous avons ici le tableau Dans le bleu de la peintre espagnole Amélie Beaury Saurel, datant de 1894. Nous pouvons penser que cette peinture est représentative de Madame Bovary et du bovarysme. Tout comme Emma, cette femme paraît étouffée par l’espace dans lequel elle se trouve car la pièce à l’air close, aucune lumière n’est présente,  mais aussi par la vie qu’elle mène puisque son regard lointain et sa posture traduisent un certain ennui et nous prouve qu’elle s’abandonne à des rêveries afin d’y échapper.


1.1.3 Une femme en contraste avec son temps.


     Emma Bovary n’est pas le modèle typique de la femme du XIXème, elle ne représente qu’une minorité de femmes de l’époque. Malgré le fait qu’elle ait reçu une éducation traditionnelle en passant sa jeunesse au couvent, pratiquant la religion assidument au milieu de religieuses qui apprennent aux filles à lire et à écrire, elle s'écarte beaucoup du modèle féminin du XIXème siècle, particulièrement sérieux et disciplinée, de plusieurs manières.
    
     La majorité des femmes de ce siècle étant fidèles à leur mari, on peut d’ores et déjà remarquer qu’Emma Bovary se différencies de de celles-ci par son comportement lorsqu’elle est dans son domicile. Comme le dit Balzac dans la Physiologie du mariage « La femme est une propriété que l’on acquiert par contrat ; elle est mobilière car la possession vaut titre ; enfin la femme n’est à proprement parler qu’une annexe de l’homme.. » ; une femme se doit d’être aimante avec son mari et de s’occuper de la maison, des tâches ménagères et également des enfants. Emma au contraire n’est pas attentionnée envers Charles et n’effectue pas tout le temps les tâches ménagères qu’elle est censée faire. Quant à sa fille, elle ne s’en occupe presque pas, et ira parfois jusqu’à la rejeter. La condition des femmes à cette époque est donc particulièrement règlementée et leur liberté très restreinte, d’où la volonté d’Emma d’y échapper comme elle le peut et par tous les moyens qui sont à sa portée. Pour cela, Emma aura plusieurs amants. Le fait qu’une femme trompe son mari est extrêmement mal vu à l’époque puisque cela va l’encontre des mœurs et surtout de la religion ; cela choquait les gens qui étaient, pour la plupart, habitué à respecter les principes de la religion. De nos jours, une femme commettant un adultère n’a pas un impact aussi important sur la population bien que cela ne soit toujours pas considéré comme un acte anodin.
     Enfin, on peut remarquer un dernier écart par rapport aux mœurs du XIXème : Emma a accès aux économies de Charles, ce qui est inédit à cette époque-là. Elle va utiliser cet argent sans compter, pour acheter notamment des cadeaux à ses amants mais aussi des meubles et des vêtements. La situation financière du couple se dégradera à grande vitesse et Emma va cacher ses dettes à son mari, par honte et par peur car elle ne peut rien arrangé. Ne pouvant rien rembourser et ne recevant l'aide de personne, la jeune femme préfère se suicider . En effet, ce geste , violent et dur, va à l’encontre de toutes croyances religieuses de l’époque.
     Emma est tout de même appelée «Madame Bovary» qui est le nom de son mari, ce qui prouve qu’après avoir dépendu de son père pendant plusieurs années, elle dépend maintenant de son mari . Emma n’est pas vu comme une femme indépendante mais est associée à son époux comme la plus grande majorité des femmes de son siècle.
    
     C’est notamment pour toutes ces raisons qu’Emma Bovary a autant fasciné le public à travers les années : son détachement par rapport à la société a surpris le public.
    

1.2 Un personnage qui suscite des réactions. 




1.2.1 L'inspiration de l'auteur pour un sujet laborieux.       


     Certes cette femme se détache de son rôle conventionnel qui à cette époque était très limité en liberté et en tout autre chose, elle ne pouvait que rester au foyer et se charger de l'éducation des enfants. De ce fait, ce personnage suscite des réactions de la part du public comme de la part de l'écrivain lui-même. 

     Dans un premier temps, la genèse de l'œuvre ne lui paru pas évidente. En effet, l'auteur aurait d'abord écouté ses amis Maxime Du Camp et Louis Bouilhet, à qui le roman est dédié à ce dernier. En 1949, ils critiquent le lyrisme amplifié dans la première version de La Tentation de Saint Antoine. Donc quelques années plus tard, ces deux mêmes amis lui rapportent un fait divers afin de lui suggérer « un sujet terre à terre, un de ces incidents dont la vie bourgeoise en est pleine » : cette nouvelle lui apprend qu'en Normandie, la deuxième épouse d'Eugène Delamare, un officier de santé et un ancien élève du père de l'écrivain est décédée. Créant un lien affectif plus ou moins proche avec cette personne, il est fort possible que Flaubert s'en soit servie dans la base de son texte. Mémoires de Madame Ludovica de Louise-Françoise Boyé, qui a beaucoup touché Gustave Flaubert aurait également guidé l'auteur sur la piste des relations amoureuses, des dépenses financières et d'une séparation de couple. Son ami Maxime Du Camp parlait souvent avec l'écrivaine et parfois en présence de Flaubert. On évoquera aussi « l'affaire Lafargue » qui fut un scandale et se fit remarquer par un grand nombre par son acte : en 1840, cette femme aurait empoisonné son mari pour seul prétexte que sa vie ne l'animait pas suffisamment, qu'elle s'ennuyait, avec de l'arsenic dans son gâteau. Atteinte de la tuberculose, elle fut libérée et se déclarera innocente, mais elle meurt en 1852. La mort d'Emma Bovary pourrait aussi être le reflet et la reproduction de celle de la grande sœur de Flaubert, Caroline Hamard qui a été enterré dans sa robe de mariée en 1817, et qu'il n'a jamais pu connaître. Mais l'auteur lui-même a déclaré que l'important n'est pas l'histoire et que l'intérêt du roman ne réside pas dans son intrigue. Cependant, l'écriture en est très longue et réellement fastidieuse ; durant quatre ans il exprime la douleur et la souffrance qu'elle lui impose dans la Correspondance de l'auteur. C'est à Louise Colet, en 1852 qu'il écrit « Que ma Bovary m'embête », puis il ajoute en 1853 que « Ce sujet bourgeois me dégoûte ». Flaubert lisait souvent ce qu'il était en train d'écrire à voix haute pour détecter si des phrases étaient mal écrites ou maladroites ; dans ce cas il pouvait les remarquer plus aisément, et il fit passer cette épreuve du « gueuloir » à son roman lorsqu'il travaillait sur le style et la composition du roman. Il en parle en disant « J'ai la gorge éraillé d'avoir crié tout ce soir en écrivant. »
          
                 



        1.2.2 La publication et la réception de l’œuvre.


 
     Les étapes de la publication ont été complexes et laborieuses : Madame Bovary paraît en feuilleton dans la Revue de Paris le 1er octobre 1856. Jugés indécents et choquants, de nombreux passages du texte ont été retirés. Bien que l'auteur fut contre, il mit une note où il déclare qu'il dénie « la responsabilité des lignes qui suivent ». Des poursuites judiciaires sont tout de même engagées contre lui en janvier 1857. L'imprimeur et la revue sont elles aussi concernées, ils ont tous les trois été accusés pour atteinte à la morale et à la religion. Quelques mois plus tard, en avril, Michel Lévy publie le roman en deux volumes, sans les modifications demandées par la Revue de Paris ; c'est avec beaucoup de succès que l'œuvre est accueillie. En 1873 le texte définitif paraît chez Charpentier corrigé par Flaubert lui-même à la suite du procès. En effet, le 29 janvier 1857 Flaubert est impliqué dans cette procédure car la 6ème chambre conventionnel souhaite examiner les « délits d'outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs ». « Des détails lascifs ne peuvent pas être couverts par une conclusion morale » d'après le procureur. Le jugement du 7 janvier va lui aussi dans ce même sens : « La mission de la littérature doit être d'orner et de recréer l'esprit en élevant l'intelligence et en épurant les mœurs plus encore que d'imprimer le dégoût du vice en offrant le tableau des désordres qui peuvent exister dans la société. », on ajoute donc à la littérature une fonction morale et éducatrice. Mais malgré tout, Flaubert est acquitté et à la suite de sa parution le roman connaît une immense gloire et suscite beaucoup de réactions, telles que le débat. Les romantiques et les attachés à ce mouvement critiquent cette écriture qui détruit leur idéal. D'un autre côté, les réalistes eux jugent aussi les descriptions que l'auteur s'obstine à développer. Ce sont les journalistes qui sont les plus défavorables de tous. Flaubert a tout de même reçu des compliments de Lamartine, écrivain romantique qui dit « Vous m'avez donné la meilleure œuvre que j'ai lue depuis vingt ans », de Victor Hugo ne se retient pas en déclarant que l'auteur de ce chef-d'œuvre est « un des esprit conducteurs de sa génération ». Charles Baudelaire, lui aussi, donne son avis et son analyse lorsqu'il affirme le besoin de dissocier l'art et la morale : «  Une véritable œuvre d'art n'a pas besoin de réquisitoire. ».


     Le succès de Madame Bovary n'aura fait que grandir et se propager en France et à l'étranger. Bien qu'il fut critiqué, son œuvre aura une impacte considérable sur les références littéraires de nos jours.

2 Le personnage après le XIXème siècle.


2.1 Le film Madame Bovary de Claude Chabrol.

        2.1.1 L'attachement du réalisateur au roman et ses intentions d'en faire un film.


Affiche du film Madame Bovary par Claude Chabrol (1991).

     Claude Chabrol est un réalisateur, producteur, acteur, scénariste et dialoguiste français. Il est l’un des instigateurs de la Nouvelle Vague qui est un mouvement de cinéma français apparu à la fin des années 1950. La Nouvelle Vague se définit par des techniques cinématographiques révolutionnaires pour l'époque et également par des cinéastes de grandes renommés. Son cinéma, plein d'atmosphères lourdes et oppressantes, rajoute de la modernité à ses œuvres. Certains pensent que si son cinéma est fait d'atmosphères pesante, c'est à cause du traumatisme que lui a causé sa naissance : alors que sa mère était enceinte de trois mois, les médecins lui conseillèrent d'avorter. En 1991, le réalisateur décide de commencer le tournage de son film Madame Bovary, inspiré par le roman du même nom écrit par Gustave Flaubert en 1857 : roman qui fit débat dans la société du XIXème siècle. L'adaptation de Chabrol suit très parallèlement l’œuvre originale.

     Suite à la découverte de Madame Bovary de Flaubert, Chabrol est très touché par cette histoire qui l'a ému et décide alors de la raconter de son point de vue. Il réalisa donc cet ancien rêve qui demeurait en lui depuis sa lecture, lors du tournage qui commença le 3 Septembre 1990. Il s'engagera dans cette œuvre au point que cette histoire l’obsédera. Il passera de longs mois à analyser, lire et relire l'histoire écrite par Flaubert. Il ira même jusqu'à acclamer : « Madame Bovary ? C'est moi ». A travers cette entreprise d'un nouveau projet, Chabrol cherche à retranscrire cette tragédie et de la représenter de manière précise et complète selon son interprétation, tout en gardant l'authenticité que transmet l’œuvre littéraire. Malgré que Chabrol veuille réaliser cette production selon son propre ressenti, il lance également un défi aux lecteurs et spectateurs du roman qui pourraient penser connaître tous les détails de ce célèbre ouvrage. Il veut, en effet, leur faire découvrir des faces inexplorées d'Emma Bovary en utilisant la largeur des plans, la bande son ... Par exemple, nous pouvons remarquer que lorsque Emma Bovary parle de liberté, d'espoir ou lorsque qu'elle est perdue dans ses pensées, les plans se resserrent sur elle et la profondeur de champ se rétrécie. Le support étant différent, il espère toucher une partie de spectateurs qui ne se seraient pas intéressés d'eux-mêmes à l'ouvrage écrit.


     Le réalisateur ressent de fortes rancœurs envers la bourgeoisie provinciale, une bourgeoisie emplie d'entrepreneurs et de banquiers, en conséquence de quoi il décidera de l’attaquer à travers ce film, mais sans s'engager directement ; il restera discret et utilisera les dénonciations de Flaubert pour se satisfaire. Son projet affirme que Chabrol fait de ce livre une étude des mœurs provinciales et reconstruit un bovarysme ironique et plus réaliste que jamais. Flaubert, par ses descriptions des décors et de ce qui constituent les lieux ou les personnes propose un scénario évident pour Chabrol, comme un anticipation d'un futur travail cinématographique. En effet, Chabrol construit son œuvre symétriquement à celle de Flaubert, bien qu'il y ajoute une once de modernité. Dans ce film, Emma Bovary est toujours cette femme du XIXème siècle fuyant la médiocrité et la monotonie quotidienne de la vie au foyer, d'une vie sans travail. Ainsi, il fait mourir Emma Bovary de la même manière que dans le roman par un suicide, montrant une femme désillusionnée, qui n'a su atteindre une place sociale, qu'elle n'aura jamais.


    
     Photo tirée du film de Chabrol  : Charles et d’Emma Bovary, scène célèbre qui se déroule au bal des Vaubyessard qui marquera un tournant déterminant dans la relation du couple.
2.1.2 L'entreprise d'un projet cinématographique.


     Il entame subséquemment un processus de reconfiguration de l’ouvrage de Flaubert pour travailler un contraste entre la modernité d'une femme et la société ancienne qu'elle dépasse. Les dialogues seront retravaillés par les soins de Chabrol lui-même.C’est alors qu’il entreprend les scènes se déroulant au domicile des Bovary. Il utilisera le château de Breteuil en Choisel comme lieu ; ce vieux château regorge d'histoires et c’est-ce qui plaisait à Claude Chabrol. Le choix du décor était très important à ses yeux mais ce n'était pas le seul paramètre. En effet, Chabrol prendra un soin particulier quant au choix des acteurs ; Isabelle Huppert, actrice très en vue de l’époque sera adroitement choisie pour le rôle principal d’Emma Bovary, femme rêveuse et insatisfaite de la vie qu'elle mène. Les descriptions du roman sont d'une telle acuité visuelle que Chabrol n'a pas de mal pour les mettre en mouvement dans son film. L’œuvre plus contemporaine qui en découlera se verra être très appréciée du public français et des lecteurs du récit. Évidemment, les réactions dès la sortie du film ne seront pas les mêmes que lors de la publication du roman. Elles seront mélioratives et aucun reproche n’est fait au réalisateur contrairement à l'auteur. Cependant, la déception de certains existe belle et bien comme l’affirme le critique Jean Cléder dans ses propos : « […] Que reste-t-il de Madame Bovary dès lors que le film à privé le roman de son intrigue, de son style, voire de ses personnages ? Il ne reste rien ou… la littérature, mais dévêtue de sa panoplie référentielle, narrative et rhétorique : la littérature comme puissance et comme activité ». Les réactions sont diverses, au Télérama (1991) par exemple, l’effet a été extrêmement positif « Tout est beau dans Madame Bovary : les décors, les costumes ... Isabelle Huppert est, une fois encore, une fois de plus, merveilleuse. Elle se pâme dans le romanesque sans effleurer jamais le ridicule. Elle joue de toutes les nuances de sa voix, passant, en l’espace d’un instant, de la douceur à une dureté incroyable. ». Les réactions sont donc multiples et contradictoires mais à aucun moment ce film n'est réellement mal vu. Madame Bovary, neuf ans après, fais reparler de lui ; la chaîne de télévision, Arte, chaîne culturelle, le diffuse encore. 

     Nous pouvons donc comprendre le travail qu’a entreprit Claude Chabrol lors de son adaptation du roman de Flaubert en ouvrage cinématographique, ainsi que constater sa vision presque similaire de celle du célèbre écrivain. Ses intentions étaient donc de révéler au public une œuvre plus moderne, une œuvre retraçant symétriquement le chemin que suit Emma Bovary dans ses péripéties. Nous pouvons dire que ce fut une réussite puisque le public est attiré par cette reprise qu'a produit Chabrol.




2.2 La bande-dessinée Gemma Bovery de Posy Simmonds.




     Nous avons ici la couverture de la bande-dessinée Gemma Bovery datant de 1999, faite par Posy Simmonds, écrivaine anglaise et dessinatrice de presse. On peut effectivement voir ici une Emma Bovary des temps modernes. Son soutient gorge qui dépasse de son peignoir trahit les infidélités qu’elle cache à son mari, ce qui est un élément important dans chacune des deux œuvres. La couverture résume le caractère de Gemma, qui est une femme voulant être heureuse mais ce sentiment lui échappe bien trop souvent.
         
        2.2.1 Résumé de l'adaptation en roman graphique.


      L’intrigue, très proche de celle du romancier Gustave Flaubert, est cependant menée différemment.
      En effet, l'héroïne est déjà décédée au début de l'histoire. Le narrateur, Raymond Joubert, est l’un des personnages : marié, il a repris la boulangerie familiale à Bailleville, en Normandie. Il est très intimement lié à Gemma et nourrit une grande culpabilité quant à sa mort. L'action débute quand Raymond rend visite à Charlie, le pauvre mari veuf, et que celui-ci lui parle de journaux intimes que sa femme écrivait ; curieux et impatient de connaître la vérité sur la vie de Gemma, Raymond ne résiste pas à voler les quelques premiers. Il nous apprend les pensées de Gemma par ces carnets qu'elle tenait presque quotidiennement, et nous donne ses impressions. Gemma et Charlie se sont rencontrés durant le soir de Noël, pendant une fête à Londres. La jeune femme étant souffrante, il la raccompagne chez lui afin de la soigner. Elle s'installe peu à peu dans son appartement et souhaite construire quelque chose de concret entre eux.
      L'ex-épouse de Charlie, Judi, n'accepte pas la présence de Gemma dans la vie de son ancien compagnon et de leurs deux enfants, Justin et Delia. Gemma n'est pas très maternelle bien qu'elle fasse de son mieux pour s'occuper d'eux. Mais rapidement, elle ne supporte plus cet appartement dans ce quartier misérable de Londres. Elle ne supporte plus l'intrusion de Judi, ni la charge des enfants ; elle demande alors à déménager. Charlie prend la question très au sérieux, et décide de partir en Normandie, à Bailleville, car l'Angleterre reste accessible. Ils s'offrent la maison voisine de celle de Raymond. C'est là que l’héroïne commence à trouver sa vie monotone, et tente d' y échapper en rencontrant des hommes comme Hervé de Bressigny, un jeune homme en couple qui fait des études de droit et s'isole en Normandie pour ne pas être tenté par les distractions. Pourtant, trop attiré par Gemma, il ne lui résiste pas. Il sera son premier amant, et ils vivront une histoire passionnée. Elle décide de changer pour lui ; elle perd du poids, devient plus féminine, porte des dessous plaisants... Avec lui, elle se sent heureuse, vivante, et elle souhaite que tout le monde autour d'elle le soit, même son mari. Leur histoire se termine par la volonté et les actes de Raymond : cet homme, qui pourtant restait plus ou moins distant avec Gemma, décide de s'imposer dans sa vie en lui envoyant des passages de Madame Bovary
sur l'adultère, les amants, les dettes, pour la prévenir du sort qui l'attend pendant que Hervé est à Paris. La jeune femme en souffre énormément. Tout ce qu'elle vit coïncide avec ce qu'a vécu le personnage de Flaubert. Raymond lui offre d'ailleurs l'ouvrage.
      Quand Raymond parcourt les pages écrites par Gemma, il apprend aussi qu'elle a toujours été très attachée à un de ses anciens compagnons, Patrick Large, un londonien, qu'elle considère comme l'amour de sa vie. Après avoir eu une longue relation avec lui, elle rompt au début du récit, par téléphone, lorsqu'elle est hébergée par Charlie dans son vieil appartement. Leurs chemins se recroisent à nouveau et ils vivent une nouvelle aventure. 
Quand Gemma comprend que son voisin a utilisé des lettres anonymes pour soi-disant la protéger, elle se met à le détester, lui qui l'espionne depuis tout ce temps. Lors d'une discussion chez elle avec Patrick, Gemma s'étouffe avec un morceau de pain, celui de Raymond qu'il avait posé dans sa cuisine afin de se faire pardonner ; c'est de là que vient toute sa culpabilité. Charlie rentrant chez lui, découvre Patrick dans sa cuisine auprès de Gemma lui appuyant sur la poitrine afin de la faire respirer. Mais là, une bagarre se déclenche entre les deux hommes car le mari pensait les surprendre en plein adultère. Dans la panique, ils cherchent à joindre les secours mais il est trop tard : Gemma meurt. Lorsque Raymond termine la lecture des carnets, il veut mettre en garde Charlie en lui expliquant, à lui aussi, les similitudes entre la vie de Madame Bovary et les leurs ; mais Charlie Bovery réussit à rassurer son ami qui ne voyait plus de fin à cette tragédie. Charlie ne veut pas mettre fin à ses jours, et avec une pointe de comique, il apprend à Raymond son vrai prénom, dans l'espoir de le détourner de ses obsessions: il s'appelle Cyril.

        2.2.2 Les convergences et divergences entre le roman de Flaubert et le roman-graphique de Simmonds.



      Nous sont donc présentées ici deux histoires contenant beaucoup de similitudes avec malgré tout certaines divergences.
     Parmi les convergences entre ces œuvres, nous pouvons noter que le lieu est le même. Bien qu'au début de l'action dans la bande-dessinée les protagonistes étaient à Londres, ils viennent tous de même emménager en Normandie. De plus, chaque femme dans son contexte pense qu'en arrivant sur ces lieux sa vie prendra un rythme palpitant. Or, malgré leurs rêves pleins la tête, elles sont bien obligées de reconnaître que leur vision idyllique de leurs villes normande est très éloignée de la réalité.
     Nous pouvons voir également les ressemblances des noms entre Gemma Bovery et Emma Bovary qui rappelle donc un personnage du XIXème siècle, vivant en province et rêvant d'émancipation et de vie palpitante. Dans la bande-dessinée que nous propose Posy Simmonds, nous retrouvons cette femme qui se sent égarée voire même abandonnée et qui ne trouve satisfaction que par le biais de relations infidèles à son mari mais dans un contexte plus moderne. Ces jeunes femmes passionnées peinent à trouver leur bonheur, et s'investissent toujours beaucoup émotionnellement. Lorsqu'elle vivait à Londres, Gemma travaillait comme illustratrice de magazine, mais ne continue pas longtemps cet emploi. Emma Bovary aime elle aussi les arts comme la peinture qu'elle pratique parfois. Aucune n'est réellement maternelle ; Emma tombe enceinte comme si cela était un devoir plutôt qu'un désir, et ne s'occupe jamais vraiment de sa fille, qu'elle repousse même souvent physiquement, jusqu'à la faire tomber. Gemma s'occupe des enfants de Charlie pour se faire intégrer dans cette famille, elle fait des efforts mais pas par sentiment ni affection. Plus tard, elle souhaitera un enfant tout de même avec l'un de ses amants, mais elle ne l'exprime pas avec conviction ni beaucoup de volonté. Son mari, Charlie Bovery ressemble de même à Charles Bovary sur plusieurs points, commençant par son nom lui aussi. Son travail, restaurateur de meubles et d'objets, n'est pas particulièrement passionnant mais ne s'en plaint pas et il lui permet d'arrondir les fins de mois: comme Charles chez Flaubert, il consacre beaucoup de temps à son labeur sans pour autant gagner beaucoup d'argent. Nous pouvons assimiler les deux œuvres également au thème des dettes qui est repris à chaque fois ; Emma se permet de s'offrir des meubles, de la décoration et des vêtements jusqu'à ne plus pouvoir rembourser ses prêts et de devoir se faire saisir tous ses biens. Gemma, elle non plus ne sait pas gérer son argent, elle et son mari ont des factures de gaz et de téléphone qu'ils accumulent dangereusement. La mère d’Hervé la menace même de poursuites judiciaires, à propos d'une statuette qu'elle pensait faire réparer par son mari mais qu'elle égare maladroitement. Gemma avoue elle-même « qu'elle a tout le monde sur le dos », ce qui nous rapproche d'Emma et de sa situation avant sa mort. Charlie est comme Charles, un mari peu exigeant envers sa femme, il est satisfait de sa vie, de sa maison et de son travail. Il est souvent absent pour s'occuper de ses enfants en Angleterre, ce qui laisse à Gemma la possibilité de s'échapper avec d'autres hommes, comme le fait Emma. Les amants de Gemma, Hervé et Patrick sont les reproductions des deux amants de Emma, Léon et Rodolphe ; toutes deux succombent à deux hommes en particulier. Pour chacune, l'une de leur relation s'achèvera par une lettre qui les blessera infiniment. Raymond Joubert a lui aussi un personnage qui lui ressemble dans sa personnalité ; c'est Justin dans Madame Bovary, l'assistant du pharmacien Mr Homais. Ils jouent un rôle essentiel chacun dans leur récit. Justin est sincèrement amoureux d’Emma, comme l'est Charles. Évidemment, de la même manière que son mari, elle ne le remarque pas bien qu'ils se rencontrent souvent, parfois même dans des lieux personnels comme la chambre d’Emma. Peu de personnes pleurent la mort de cette femme, et pourtant Justin pleurerait toutes les larmes de son être pour la ramener à la vie, il pleure de douleur et de culpabilité car c'est lui qui lui a montré où se trouvait l'arsenic dans la pharmacie avec laquelle elle s'est suicidée. Justin est sur sa tombe, le cœur plein d'un « regret immense plus doux que la lune et plus insondable que la nuit ». Raymond aussi aime Gemma d'un amour sincère et profond, et elle aura beau le rencontrer maintes fois dans sa boulangerie, elle ne se rendra jamais compte avec quel sentiment il la regarde. Ils auront pourtant quelques contacts courtois et aimables ; Raymond dîne chez elle, l'aide à rédiger une lettre … Il la surprend également dans des moments intimes d'adultères, qu'il observe de l'extérieur. Lui aussi sera rongé d'une culpabilité immense quant à la mort de celle qu'il aime car c'est avec son pain qu'elle s'étouffe. Il sera inconsolable et ne pourra contenir son chagrin, il pleurera longtemps à chaudes larmes. Ils sont comme invisible à leurs yeux.
Parmi les personnages secondaires de la bande-dessinée comme les voisins anglais de Gemma, nous pouvons reconnaître tout de même les voisins d'Emma, qui sont curieux et voudraient tout savoir, lorsqu'elle emménage à Yonville-l'Abbaye. Une femme autoritaire et précieuse sur la bonne conduite apparaît dans le roman graphique ; c'est la mère de Hervé, qui peut créer une symétrie avec la mère de Charles dans le roman de Flaubert. En effet, elle ne souhaite pas que son fils s'éloigne de ses études à cause d'une amourette de passage, et madame Bovary mère trouve qu'Emma ne répond pas aux attentes d'une femme de son siècle.
     Ainsi, nous retrouvons pour chaque personnage principal son double dans les deux œuvres Gemma Bovery et Madame Bovary.
     Les relations entre les personnages sont comme un puzzle, ils ont tous un lien avec l'héroïne ce qui donne de la complexité à l'ouvrage. En effet, Gemma est marié avec Charlie, elle a aussi deux amants en aillant d'abord une liaison avec Hervé puis avec Patrick. Hervé est en couple avec une jeune femme de son âge qui vit sur Paris mais qui sent tout de même la présence d'une autre femme dans le quotidien de son compagnon. Il entretient une relation avec sa mère qui le restreint beaucoup ; elle l'envoie en Normandie pour qu'il se concentre sur ses études, puis lui interdit de côtoyer Gemma … Patrick lui, vient de quitter sa femme avec qui il a un enfant. Charlie garde toujours contact avec son ex-épouse, Judi, car ils ont deux enfants ensemble, Justin et Dalia. Judi n'apprécie pas Gemma par sa façon de s'être imposée dans la vie de Charlie et ses enfants. Raymond est le voisin de Gemma et de Charlie, il est marié avec Martine mais est très attiré par Gemma. Après sa mort, lui et Charlie se rapproche, car Raymond souhaite le consoler autant qu'il peut mais il se sent hypocrite envers lui. Parfois, les familles de Gemma et Raymond se retrouvaient tous autours d'un repas par politesse, accompagnés des voisins anglais. Comme dans l'œuvre romantique, l'héroïne est comme une planète autour de laquelle tourne des satellites.
     Ainsi, les reflets et les parallèles des deux personnages sont évidents. Cet ouvrage est en symétrie avec le roman du XIXème siècle dans des temps plus modernes, et les comportements nous étonnent moins venant d'une femme d'aujourd'hui. En effet, Posy Simmonds a volontairement retranscrit la vie de Emma Bovary dans un contexte plus contemporain, en faisant de son roman graphique le pendant de l'œuvre de Flaubert. L'héroïne Emma est une femme moderne bien qu'elle n'ait pas renié les normes convenues aux femmes de sa génération, comme par exemple l'éducation au couvent. Mais, cette rêveuse ne veut pas s'empêcher de céder à l'émancipation de sa personne dans la société. Gemma Bovery rêve elle aussi, et ses liaisons avec ses amants ne nous surprennent pas autant que celles d'Emma : il est vrai que l'adultère est devenu un fait plus courant au fil du temps, bien qu'il ne soit pas mieux perçu pour les femmes. Posy Simmonds ne reprend pas l'image d'Emma dans son roman graphique pour rendre hommage à Flaubert, mais pour retravailler des trais de caractère d'une femme intemporelle dans un contexte légèrement différent et s'amuse à, grâce à son dessin, nous arrêter sur des faits qu'elle considère important. Elle désire nous faire voir cette femme comme si ses croquis étaient un film, en nous décrivant des vies quotidiennes de modestes bourgeois qui n'attendent que plaisir et bonheur.

Conclusion :


     Flaubert nous présente donc une Emma Bovary rêvant d'émancipation , d'indépendance, et de liberté. Nous avons pu voir qu'elle veut, au début de son histoire s'évader avec un homme, se marier et quitter sa campagne afin de vivre en ville. Une fois chose faite, celle-ci se rend compte que les aventures amoureuses racontées dans les livres sont totalement différentes de sa réalité. Elle cherche des moyens pour échapper à son ennui, elle s'attache à plusieurs hommes et pourtant elle ne se sent pas satisfaite. Elle meurt, son fidèle mari à son chevet, d'un suicide. L'œuvre fut censurée pour atteintes aux mœurs et à la religion pour ses thèmes sur l'adultère et les scènes sexuelles. Une fois publiée, elle eut un immense succès. Nous avons pu voir dans le film de Claude Chabrol, Madame Bovary, et dans la bande-dessinée de Posy Simmods, Gemma Bovery que, bien que les siècles soient passés, le nom de cette héroïne n'est pas tombé dans l'oubli. Bien au contraire, elle est devenu une référence et nous pouvons dire qu'elle a fasciné son siècle et les suivants par sa novation d'être une femme, maîtresse de plusieurs hommes, qui fait elle-même ses achats, qui ne se sent pas inférieur à son mari. Flaubert ayant pris la précaution de ne pas insister sur le temps nous expose une femme universelle et intemporelle, dans laquelle certaines femmes peuvent s'identifier, car elle est avant tout moderne. De plus, elle a choqué et marqué le publique pour son contenu inadéquat pour son époque. Par les difficultés de sa parution, Madame Bovary a beaucoup fait parler d'elle, ce qui peut ajouter à son personnage de l'importance : elle a passionné et émerveillé les lecteurs par sa novation d'être une femme en avance sur son temps, sans non plus renié tous les codes de la femme du XIXème siècle. Quelques années plus tard, en 1880, Emile Zola publie Nana, roman qui raconte l'histoire d'une femme démunie cherchant de l'argent afin de nourrir son fils ; pour répondre à ses besoins elle se prostituera et en mourra. Nous pouvons alors nous demander si le personnage éponyme de Nana est l'antithèse d'Emma Bovary.